Voyage dans les mémoires d’un fou, de Lionel Cecilio.
Compromission. Comme une lancinante obsession, ce mot tente de grignoter ce que j’ai de certitudes.
Je connais l’homme sur plusieurs projets et je ne pense pas me tromper sur la générosité de l’artiste, me mentir sur la qualité de l’œuvre que je vais découvrir dans quelques instants. N’a-t-il pas, à de nombreuses reprises, lu à l’antenne de D8, dans l’émission « Voyage au bout de la nuit », des textes écrits par des auteurs d’iPagination sans aucune contrepartie, partageant l’exposition de la petite lucarne avec des auteurs de l’ombre, juste avant des œuvres bien plus réputées ? N’a-t-il pas, une autre fois, accepté d’animer une table ronde sur la littérature des Outre-mer à l’occasion de la sortie de L’amante interdite de Christophe Vallée, en compagnie d’autres écrivains tels que Jacques Mazeau et Patryck Froissart, et en présence de la ministre George Pau-Langevin ? Là encore, par amour des mots et par militantisme littéraire. J’ai la certitude que les mots vont briller de mille feux, mais pas que.
Un artiste et un auteur instinctif
Lionel Cecilio est de ces êtres qui fonctionnent à l’instinct, qui captent les moments sans tergiverser. Parce qu’une vérité en amène une autre et que très probablement, les humains, d’âme en âme, peuplent sa galerie de personnages et de sensibilités qui ornent ses interprétations d’une rare justesse. Non, ce bonhomme-là, assurément, ne peut pas tricher outre mesure. Sa pensée est indéniablement sertie des qualités et défauts des autres, et les trois coups qui retentissent à présent les mettent en scène, celle du théâtre dont il foule la scène…
La dramaturgie des premiers instants aiguise la lame de la faucheuse, coupe les amarres du spectateur embarqué dans un voyage sans retour, dans les mémoires d’un fou… celles d’un jeune homme qui vient d’apprendre qu’il était atteint d’une maladie incurable et mortelle. Ce dernier décide d’écrire à un lecteur imaginaire pour le faire dépositaire de ses mémoires. En replongeant dans ses souvenirs, il s’offre une seconde vie. Il renaît au gré des portraits, aux yeux d’un public dont j’ai la grande chance de faire partie.
Une pièce qui libère du conformisme
Le comédien occupe d’emblée, avec une très belle énergie dont il ne se départira pas chaque espace de la scène. Le saltimbanque virtuose jongle avec les mots et les émotions. Très rapidement, ce n’est plus un ami sous mes yeux. C’est une succession de personnages qui m’interpellent, se moquent de caricatures réussies et des absurdités qui nous tapent sur le système. Et pour se libérer du joug du diktat de la bêtise et du conformisme, l’on rigole gras, fort, sporadiquement ou à l’étouffée. Parfois même sur le drame, tant les couleurs des personnages l’emportent sur la noirceur de leur vie. Les incantations « frantugaises » du sorcier Cecilio font mouche.
Plongée en âmes troubles
Le spectacle dépeint d’une gouache sans concession, à contre-poil des idées reçues et des raccourcis dangereux, toutes les contradictions de l’humain et de ses cultes. A commencer par ceux de la bêtise et de l’intolérance. On s’émeut pour conjurer les imbéciles. L’enfant qui sommeille en chacun de nous, en empêcheur de tourner en rond, ne demande qu’à sortir de nos vies routinières.
Et l’humour et la poésie font leur oeuvre
De l’intérieur, la poésie de Lionel Cecilio fait son œuvre, s’insurge et fissure l’étanchéité de nos égoïsmes. On prend le temps de regarder à nouveau. On reconsidère le point de vue. Jusqu’à ce que le bon sens brandisse son étendard pour le planter avec panache sur les territoires de lassitude. Dans la force de la clameur, l’on recouvre l’envie de se battre. Mais aussi de réussir avant qu’il ne soit trop tard, de croire encore que l’on peut tout face à la férocité des adversités qui nous font front…
Mine de rien, la clepsydre écoule les derniers grains d’une heure dix de vies à rebours. Ma crainte est totalement dissipée. Ma critique n’est compromise par aucun sentiment de redevabilité qui aurait pu fausser la sincérité de mon retour. Elle est pleinement l’expression du talent d’encre et de scène d’un garçon authentique et brillant. Et je ne peux que chaleureusement vous recommander d’aller voir sur scène. Vous ne le regretterez absolument pas.
Ne perdez pas une seconde pour voir la pièce et commander le livre
En conclusion, ne reportez pas au-delà du 15 juin 2019 ce que vous pourriez faire ces prochains jours. Au risque d’être passé à côté de quelque chose de puissant et de beau, carpe diem… c’est ici que tout se joue, alors réservez votre place dès maintenant !
Si vous ne pouvez pas vous déplacer et souhaitez découvrir le texte, la pièce est disponible au format papier en cliquant ici ou chez votre libraire, ou encore au format numérique .