Plaidoyer pour la reconnaissance du vote blanc
Avant toutes choses, préciser que je ne suis militant d’aucun parti politique. Toutes mes interventions publiques à l’encontre de certains politiques le sont du fait d’un manque d’exemplarité de leur part, ou alors du fait qu’ils favorisent la haine et l’exclusion de personnes. Mis à part cela je suis plutôt curieux et attentif à tous les débats de société, à toutes les idées émergentes. Et il m’arrive tout de même de commenter de façon humoristique ou décalée certaines actualités politiques.
Pour bien des raisons, je ne sais toujours pas pour qui je vais aller voter au premier tour et au vu de la volatilité de cette campagne, bien malin serait celui qui pourrait prédire aujourd’hui qui remportera le second tour des présidentielles. Le plein de questions et de scénarios se profile, et chaque jour les réponses semblent se dérober un peu plus.
Peut-être êtes-vous comme moi, vous sentant bien seuls avec votre vote. Sans aucune idée arrêtée, avec la crainte de faire un mauvais usage de votre bulletin, que vous pourriez regretter par la suite. Alors voici l’état de ma réflexion à ce sujet.
Une offre politique affaiblie par ses propres acteurs
Si ma passion pour la politique ne s’est jamais tarie, la confiance à l’encontre de ceux qui sont censés la proposer, l’incarner et la faire vivre, s’est en revanche très largement envolée. Et la période ne va pas en s’arrangeant, tant les cas de fraudes fiscales, d’enrichissement à outrance sur les deniers publics, de corruption en pagaille, de populisme, d’opportunismes grossiers et déplacés, de bêtises, de haines, de mensonges assumés, de vulgarité patente chez certains, d’égoïsme et de lutte exacerbée du pouvoir sans songer une seule seconde aux conséquences communes, sont autant de raisons qui me font me détourner de l’offre politique. Et encore, la liste n’est probablement pas exhaustive.
Je suis probablement un naïf sentimental qui pense qu’il faut être digne, soucieux de toutes et tous, tout en étant capable de s’oublier soi pour l’intérêt de tous, et bien évidement profondément honnête, pour occuper tout poste électif ou toute fonction régalienne. Je sais que bien des hommes et des femmes remplissent ces conditions avec honneur à bien des strates de la France, et je leur en suis profondément reconnaissant. Mais force est d’avouer que ces derniers temps c’est la malhonnêteté de quelques-uns et une qui par leur mépris de la population, occupe toute notre attention, et pire, serait en position d’accéder à la présidence de la République.
Après la déception, les alternatives foireuses
Voici pourquoi, à diverses reprises dans ma vie citoyenne, et comme de plus en plus de français, j’ai renoncé à accorder mon vote aux candidats proposés pour l’une ou plusieurs des raisons évoquées précédemment. Survient alors une position bien difficile à vivre : s’en remettre par défaut à une autre alternative. Cependant, si je ne sais pas qui choisir, je sais en revanche qu’elle ne sera pas la teneur de mon vote. Explications.
Pourquoi je n’effectuerai pas un « vote colère »
Le « vote colère » est un réflexe bien humain, que l’on saisit en réaction à une grosse déception. Le vote va être bien souvent dans ce cas (et c’est là tout le paradoxe), à l’extrême de ses souhaits et valeurs de bases, et ce, afin de punir le camp qui a déçu. Ça parait tordu comme cela, mais de nombreux votes sanctions et surtout en souffrance, s’expriment ainsi. C’est d’ailleurs pour cette raison que se renforcent certains partis, alimentés par la colère, la peur, les déceptions, les mauvais souvenirs, parfois même des accidents de vie. Avant que ne survienne simplement, le besoin d’appartenir à un groupe pour contrer son insupportable solitude. Se sentir plus fort en hurlant dans une masse, qui a réussi à dégoter des victimes toutes trouvées, pour exorciser un peu de la peine purulente du désespoir.
Vous comprenez bien, que ces sentiments négatifs, cette posture de très grande lâcheté (parce qu’il est plus facile de se venger sur plus faible que soit), ne sauraient trouver grâce à mon cœur, autant que par probité intellectuelle. Le poison n’est rien d’autre que la haine et la somme de tous les égoïsmes. Ce suicide moral et sociétal assisté est des plus abject, puisqu’il est orchestré par des profiteurs et profiteuses idéologiques, qui exacerbent plutôt que calment, blessent plutôt que soignent, insultent plutôt que nomment, précipitent dans la vacuité plutôt que tirent vers le haut.
J’ai sans peine très vite pensé que mon vote méritait bien mieux que cela. Je suis, mon esprit est, plus fort que cela. Pourquoi ressembler au modèle que je récuse ? Pourquoi perdre toute dignité et honnêteté à l’égard de moi-même, mais aussi et surtout vis-à-vis des autres, avec lesquels nous nous devons d’avancer ? Non, définitivement non. Ce vote-là n’est pas le mien et ne le deviendra jamais.
Pourquoi je ne voterais pas « contre »
Le « vote contre », qui selon moi diffère nettement du vote colère, consiste à donner sa voix au candidat le mieux placé pour faire barrage à un candidat que l’on estime (ou bien souvent l’opinion publique, les médias, etc.) non légitime (morale, risque démocratique, etc.). Et dans cette posture-là, on retrouve de nouveau, tout le cynisme et l’aliénation citoyenne dans toute sa splendeur. Que l’on m’excuse du peu, mais j’aime suffisamment mon pays et la politique, pour ne pas agiter mon bulletin de vote comme une seringue hypodermique (pour endormir un temps donné) le monstre que l’appareil en place a fait naître et alimente ! Et tout cela pourquoi ? Pour élire « le moins pire d’entre eux ». Franchement ce n’est pas raisonnable.
Et j’ajouterai sur le principe de la dignité qui m’est chère que je ne serai jamais de ceux qui accepteront d’être pris en otage. Et que les rabatteurs des candidats opportunistes ne viennent pas me faire la morale du « si tu ne votes pas pour untel, c’est que tu es d’accord pour que l’autre passe ». Eh bien non ! Personne d’autre que moi ne peut expliquer les raisons de mes choix. Cela relève de la manipulation ou du chantage, et l’un comme l’autre sont des procédés qui montrent bien la démarche douteuse visée. C’est au candidat qui « doit faire barrage » et qui pour ce faire doit rassembler au second tour la France la plus large, qui devra faire faire le nécessaire (y compris des concessions). Car il n’y a pas plus probante défaite démocratique, que d’être élu sur une majorité de rejets, plutôt que d’adhésion.
Allons même plus loin dans la réflexion : et si par malheur, « le monstre » venait à passer, est-ce vraiment de la seule faute de l’électeur ? N’y aurait-il pas là, l’occasion de demander des comptes aux pompiers pyromanes médiatiques qui auront leur part de responsabilité dans l’affaire ?
Ce que font plusieurs médias est grave, à relayer l’infamant, à surfer sur les provocations insultantes et à s’en gargariser, jouant aux apprentis sorciers en manipulant la bonne conscience citoyenne. Que ceux-là n’aient pas l’indécence en ultime recours de demander aux électeurs de faire front ensuite.
A se demander même si certains n’agissent pas pour que l’accident se produise : une sorte de syndrome de Münchhausen médiatico-démocratique par procuration, afin d’attirer l’attention du lectorat qui s’est détourné depuis vers d’autres prescripteurs.
« Voter contre », c’est selon moi continuer de couvrir cette complaisance malsaine de certains journalistes qui devraient se remémorer cette phrase célèbre d’un de leur pair, devenu par la force des choses super héros depuis : « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ». Enfin« Voter contre », c’est aussi faire le jeu d’une classe politique paresseuse qui pourrait penser que pour être élu, il suffit juste d’être au bon endroit, au bon moment, sans aucune autre formalité républicaine.
Un électeur n’est pas un pion, et les résultats des derniers sondages, en France et ailleurs l’ont suffisamment démontré.
Pourquoi je ne serai pas abstentionniste
Vient ensuite la tentation de l’abstentionnisme. Puisque quoi que l’on fasse on est le con de quelqu’un, et qu’en plus mine de rien, c’est du temps de pris le dimanche qui nous prive même parfois d’un week-end loin de notre quotidien.
Seulement pour moi, s’y résoudre c’est abandonner tristement et gravement ses droits fondamentaux, à commencer par avoir la liberté de s’exprimer. Car est-il besoin de le rappeler, l’abstentionniste est irrémédiablement récupéré par les politiques en place qui s’en servent à leur propre fin. Être abstentionniste, c’est je pense faire le jeu de ceux que l’on défie. C’est laisser à penser que l’individualisme et le petit confort dominical sont plus importants que son avenir ou celui de ses enfants. Et ça laisse de plus l’opportunité ensuite de critiquer ceux qui se sont exprimés. C’est tellement plus pratique de rendre coupables les autres de son absence, que d’assumer sa propre désertion, tout en se plaignant des conséquences. Vu le taux d’abstentionnistes en France, je me doute bien que ces lignes ne feront pas plaisir à tout le monde, mais il faut bien regarder la situation en face et se parler ouvertement. Cette posture n’est pas la conception que je me fais de la citoyenneté, et les dangers sont trop nombreux pour « que le silence des pantoufles étouffe le bruit des bottes » comme l’écrivait si bien Max Frisch.
En pensant abstentionnisme, je ne peux m’empêcher également de me remémorer la célèbre citation d’Albert Einstein : « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui le regardent sans rien faire ». Et je ne saurais donc être de ceux-là non plus.
Pourquoi je ne voterai pas nul
C’est un vote classé comme nul du fait que le bulletin est déchiré, raturé, ou sur lequel on inscrit des notes de toutes natures, ou alors qui présente une erreur de manipulation (bulletin non officiel, ou plusieurs bulletins dans une même enveloppe, liste des courses pour les plus étourdis, etc. …). Outre l’erreur qui surviendrait, ce vote est un fourre-tout, peu respectueux d’une part du scrutin (qui mérite tout de même à mon sens un minimum d’égard), mais aussi et surtout des bénévoles courageux, qui donnent de leur temps pour recueillir et traiter les voix de chacun. Ce temps octroyé au service des autres est respectable et ne saurait faire le jeu d’une quelconque fantaisie de ma part. Leur exemplarité altruiste ne mérite pas d’être occupée à des actes inutiles, et pire parfois, à lire des insultes ou toute autre aberration dont ils ne sont absolument pas responsables. Je ne considère pas mon enveloppe comme un divan, et la générosité du bénévole en aucun cas un déversoir en tous genres. Je tâcherai donc de n’être pas tête en l’air, et assurément, je ne serai pas le gros balourd vulgaire ou créatif frustré, bref, un égocentré chronique, qui fera perdre le temps de celles et ceux qui vont dépouiller derrière.
Pourquoi il importe de reconnaître le vote blanc
Voici donc l’ultime alternative qui s’offre à moi et que j’ai décidé d’user à diverses reprises déjà : le vote blanc.
Ce vote démontre que l’on est bien présent dans le débat politique mais que l’on refuse les choix qui sont proposés. Mais dans les grandes lignes, ce qui est contestable dans ce vote, c’est qu’il ne soit pas comptabilisé dans le suffrage. Il est certes compté : c’est-à-dire que l’on a le nombre de votants blanc figurent depuis le 1er avril 2014 dans le procès-verbal de l’élection ainsi que dans l’annonce des résultats, mais il n’agit pas sur les suffrages exprimés. Pour mieux comprendre le processus, cliquez sur ce lien.
Pour l’heure donc, sa conséquence est limitée. A l’occasion des présidentielles, deux « candidats majeurs » ont inscrit cette mesure dans leur programme, Benoît Hamon par voie de référendum, et Jean-Luc Mélenchon, sa reconnaissance en contrepartie d’un vote obligatoire. On peut certes se dire que c’est peut-être une façon de récupérer l’électorat abstentionniste ; mais après tout, pourquoi tous les candidats ne proposeraient-ils pas cette mesure pour renforcer la place du citoyen dans l’appareil démocratique ? Chacun sera seul juge à discerner s’il y a malice ou non.
Pour moi le vote blanc, c’est une alternative qui respecte le principe de la liberté d’expression, celui qui ne fait pas porter un sentiment de culpabilité et/ou de honte lorsque l’on souhaite être acteur mais pas otage ou pantin de sa citoyenneté. Ce peut même être, en cas de grave crise politique et idéologique, une mesure pleine de sagesse qui devrait permettre d’enrayer une machine folle que plus personne ne maîtrise, y compris les médias.
Certains politiques (beaucoup) font souvent du mensonge, un prérequis pour être élu sur le dos des plus naïfs, ou comme je l’ai déjà dit, de celles et ceux qui souffrent, et qui finissent par faire de ce même mensonge leur propre réalité. Vous présenter à ce propos le travail des Surligneurs, une équipe d’universitaires qui œuvre à traquer et confondre, mensonges ou imprécisions des candidats, leur travail est disponible ici. Je vois la sanction que peut représenter le vote blanc, comme un message fort à l’encontre des politiques qui prennent également bien trop de largesse avant la rigueur éthique qu’ils sont pourtant censés incarner. Qui sont prêts à tout pour faire le buzz et pourrir le débat, pour quelques heures d’exposition en plus. Ce procédé concoure très activement à dégoûter les électeurs de bonne foi, qui souhaitent avoir des débats de qualités et propices à la construction du pays. Si vous souhaitez enfoncer le clou et mettre la pression à tous les autres politiques pour envisager cette mesure, vous pouvez également signer cette pétition qui regroupe déjà plus de 200 000 signataires.
Le vote blanc dans les suffrages exprimés est devenu selon moi incontournable avant que de graves choses ne surviennent. C’est enfin lutter contre l’abstentionnisme qui établit un creuset toujours plus grand entre le peuple et ses représentants. Ce n’est en aucun cas le vote qui propose LA solution, mais pour les personnes qui ne savent pas encore pour qui voter, c’est probablement l’alternative la plus digne qu’un électeur désavoué et blessé puisse disposer d’ici les prochaines échéances.
Plusieurs expériences existent à l’étranger, comme vous pourrez le découvrir au lien suivant de quoi réfléchir et pourquoi pas s’inspirer.
Pour ma part, je suis pour l’annulation du scrutin si les 2/3 des suffrages exprimés sont blancs, avec l’impossibilité des politiques qui s’étaient présentés destitués par ce biais, de pouvoir se représenter à l’avenir. A tout nouveau droit, des devoirs : le vote serait rendu obligatoire sous peine d’amende. L’argent collecté par ce biais serait épargné, afin de pouvoir à moindre (voir aucun coût) financer la nouvelle élection qui devrait se tenir, si le cas venait à se présenter.
Et qui gouverne si la situation venait à perdurer ? Je souhaitais à cette question revenir sur l’histoire politique insolite du Liban qui est resté sans président durant 2 années. Dire aussi qu’au Pérou, (qui invalide une élection au cas où les 2/3 des votes blancs constituent les suffrages exprimés), n’a jamais eu à le faire.
N’hésitez pas à vous exprimer par le biais des commentaires et à enrichir cette réflexion, à partager des liens utiles. Une modération sera toutefois de rigueur et écartera de façon systématique tout contenu grossier ou inadaptés, porteurs de haines.
Bonjour, bon article de fond, c’est dommage que vous ne parliez pas de l’initiative du Parti du Vote Blanc qui vient donner une réponse qui en général, fait l’unanimité. http://www.parti-du-vote-blanc.fr/presidentielles-2017-candidat-blanc/ Pourtant, vous pointez vers l’une de nos pages donc cous auriez-dû être confronté au projet… Délibéré ou une petite boulette d’inattention ?
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Bonsoir, « boulette » est je trouve très péjoratif et induit une « forme d’incompétence », ce qui est assez maladroit je trouve. C’était délibéré et je m’attendais à votre commentaire. Les liens permettent dans l’article de partager votre connaissance bien légitime sur le sujet, permettant par la même occasion aux lecteurs curieux de vous découvrir plus en détail. En revanche je ne me sentais pas la légitimité de vous recommander (ndlr votre action politique) et ce pour plusieurs raisons. Pour les présidentielles à venir vous ne disposez pas des 500 signatures qui est la règle pour être légitimé dans une campagne : http://www.politique.net/500-signatures.htm . De même, puisque l’on parle de représentativité, je n’ai pas trouvé sur le site de processus démocratique de votre parti pour la nomination de Stéphane Guyot pour vous représenter, et comme le vote blanc est bien souvent une attente exigeante de démocratie et de représentativité, vous comprendrez bien mon hésitation. De même que l’on ne trouve pas plus trace de PV de vos réunions, débats ou échanges que vous semblez mener, et là encore cela me chiffonne. Enfin, lorsque l’on est élu président, on l’est pour 5 ans, avec aucune obligation d’appliquer le programme (sinon ça se saurait n’est ce pas :-), et je ne crois pas que quelqu’un de censé signerait un chèque en blanc lorsqu’il est question du devenir de notre pays. J’espère ne pas vous heurter, mais je tiens à être honnête avec vous. Voici pourquoi je pense que le véritable combat à mener, notamment au travers de la pétition qui a cours, c’est d’être suffisamment nombreux pour devenir intéressants et intégrer les programmes des élus de tous horizons (un peu comme l’écologie a finit par devenir incontournable et s’imposer dans quasiment tous les programmes). Souhaitant avoir répondu le plus clairement possible à votre question.
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